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Le Manifeste des femmes rondes!

Il y a quelques mois, j'ai invité une amie à manger un midi à la maison, alors que Chéri était au travail. Je la connais depuis des années, depuis le collège, en fait. Je vais respecter son anonymat et l'appeler Marie (ce n'est pas son vrai prénom, évidemment). Je lui avais préparé un bon petit plat (un poulet au cidre, si mes souvenirs sont bons) et on était en train de discuter de tout et de rien, comme deux amies d'enfance qui ne se sont pas vues depuis un certain temps et qui rattrapent le temps perdu en se racontant les dernières nouvelles familiales, sentimentales, etc... Bref. Mais à un moment, la conversation commence à tourner autour de la thématique du poids.

Sujet extrêmement épineux pour mon amie, comme j'ai pu le constater avec surprise. J'ai découvert ce jour-là qu'elle est très complexée par son physique, et surtout par son poids. Et je vous le dis, je suis tombée de haut lorsqu'elle m'a parlé de ça! Car, certes, elle est ce qu'on pourrait qualifier de "Big-Boned" en anglais, c'est-à-dire épaisse avec de larges os. Mais Marie est grande, elle mesure 1m75 facile, et elle a une taille marquée. De plus, elle a un autre atout: elle est métissée et a un très beau visage avec des lèvres pleines que je rêverais d'avoir... Bref, elle n'est absolument pas ce que je qualifie de grosse ou d'obèse. Oui, elle est robuste avec quelques petits kilos en trop, mais rien de flagrant.

Elle finit par avouer qu'elle ne supporte pas qu'on la remarque tellement elle est complexée par son apparence physique et qu'elle fait exprès de longer les murs (littéralement) ou qu'elle se fait toujours petite dans un coin pour ne pas qu'on la voit... Autant vous dire que cette confession me laisse littéralement sans voix. Je suis atterrée!

Combien de temps allons-nous encore nous auto-flageller à cause d'un idéal de beauté qui nous est martelé sans cesse par le biais des médias et des réseaux sociaux, mais qui ne correspond pas à la réalité de cette si grande diversité de corps?

Bref, je l'entraîne devant un miroir et je lui dis qu'il est temps qu'elle s'apprécie à sa juste valeur, qu'il est temps qu'elle reprenne confiance et qu'elle réalise qu'elle a autant le droit au bonheur que n'importe qui, autant même que ces mannequins à la taille fine qui sont sans arrêt encensées dans l'espace public. Je lui demande de regarder son reflet et de dire à voix haute: "Je suis belle". Ce à quoi elle refuse en me disant que ça ne servirait à rien, qu'elle n'y croirait pas si elle le disait...

TRISTE, n'est-ce pas?

Le Manifeste des femmes rondes!
Le Manifeste des femmes rondes!
Le Manifeste des femmes rondes!
Le Manifeste des femmes rondes!
Le Manifeste des femmes rondes!
Le Manifeste des femmes rondes!

Récemment, j'ai découvert un livre extraordinaire qui s'intitule Fat!So?. Il a été écrit par une certaine Marilyn Wann, une militante américaine qui lutte pour l'acceptation des gros (Body Positive, en anglais).

Marilyn Wann, militante Body Positive

C'est une femme très intelligente puisque diplômée de l'université de Stanford (très réputée aux U.S.) en linguistique. Elle vit actuellement à San Francisco, en Californie. Cinq ans après l'obtention de son diplôme universitaire, elle s'est vu refuser une assurance maladie à cause de son poids, et cet évènement a été le déclencheur de son militantisme pour une meilleure acceptation des personnes en surpoids ou obèses. Depuis, elle donne des conférences sur ce thème à travers les Etats-Unis et a même créé un pèse-personnes (voir photo ci-dessous) qui donne des compliments plutôt que les chiffres du poids! Rien de mieux pour démarrer la journée du bon pied!

Mais elle a surtout publié ce livre incroyable en 1998. Outre le fait d'y trouver des informations très sérieuses, tirées de statistiques, sur l'industrie des régimes, etc... le texte est ponctué de témoignages (dont le sien) sur la façon dont des personnes en surpoids sont traitées par leur entourage ou par des inconnus... Mais il y a également pas mal de passages complètement loufoques qui font rire, comme quand elle donne des idées pour répondre aux gens qui se moquent des gros, il y a vraiment des perles! Note à moi-même: il faudra que je fasse un article sur ce livre qui est excellent car il dédramatise la vision qu'on a de notre corps (aussi gros soit-il) ainsi que notre rapport aux autres et au monde en général quand on est en surpoids. Il nous apprend à être fières de ce que nous sommes, et de le montrer à tout le monde. Pas de tabous!  

Ce livre nous rappelle qu'il n'est pas grave d'avoir des kilos en trop, qu'on peut se sentir belle et heureuse quel que soit notre poids.

Mais il y a un passage qui m'a particulièrement interpellée, c'est son Manifeste. Evidemment, il est à prendre au 2ème, voire 10ème degré à certains moments, mais des paroles de vérité se dessinent pour ceux qui y sont attentifs, entre deux idées délicieusement farfelues. J'ai traduit cet extrait de son bouquin (il n'existe pas de traduction officielle en français) pour vous le restituer dans cet article. Cette déclaration est divisée en 12 points, alors en route, let's go!  

J'ai pontué cet article de photos d'Hunter Mc Grady, mannequin "Plus Size" qui défile pour les plus grandes marques dans le monde entier... Elle est magnifique, n'est-ce pas?

J'ai pontué cet article de photos d'Hunter Mc Grady, mannequin "Plus Size" qui défile pour les plus grandes marques dans le monde entier... Elle est magnifique, n'est-ce pas?

1. La communauté "Fat!So?" appelle à la révolution. Et la révolution commence avec une simple question: Vous êtes grosse! Et alors?

2. Il n'y a rien de mal à être grosse. Comme il n'y a rien de mal à être petite ou grande, noire ou blanche. Ces caractéristiques physiques font partie de notre identité, de qui nous sommes, et ne devraient pas être changées. Elles sont innées et font partie de notre héritage. Elles vont au-delà de la beauté en général et des cures d'amincissement. Elles assurent la diversité des corps dont notre société a tant besoin.

3. Les personnes grosses ne sont pas, par définition, fainéantes ou stupides. Mais les personnes qui croient en de tels stéréotypes, cependant, le sont!

4. La communauté "Fat?So!" proclame le 1er janvier à 0h01 comme étant "La Minute Internationale du Coming-Out des Gros et des Grosses"! Pendant cette minute, toutes les personnes rondes du monde entier sont exhortées à se tenir devant leurs miroirs, sourire et proclamer haut et fort: "Je suis gros(se)!". Ces personnes zélées devront ensuite regarder leurs proches qui sont ronds droit dans les yeux et leur dire: "Vous êtes gros aussi!" Après cela, toutes les personnes potelées sont appelées à applaudir et à souffler dans des serpentins du Nouvel An pour la seconde fois, et aussi longtemps que nécessaire. Au lieu de commencer une nouvelle année avec une énième résolution à perdre du poids avec un régime néfaste et inefficace, nous débuterons chaque année avec un moment honnête d'apaisement par rapport à cette angoisse liée à notre corps.

Le Manifeste des femmes rondes!

5. La communauté "Fat!So?" vous invite à devenir une grosse fabuleuse car nous tous, de la taille 34 à 50, de la taille XS à 4XL, que nous soyons gros ou minces, hétérosexuels ou homosexuels, femme ou homme; nous avons tous, à un moment donné, gaspillés de précieux moments sur cette planète à nous inquiéter de notre apparence. Arrêtez ça tout de suite! Dites simplement les mots magiques: "Oui, je suis grosse/obèse" et écrivez-le sur un morceau de papier ou dans votre journal intime. Car avec ces mots, vous générez la révolution. Vous renvoyez la haine des gros à leur expéditeur. En tant que personne grosse, vous possédez l'arme ultime contre l'inquiétude des kilos, les préjugés et la discrimination à l'encontre des gros. Et quelle est cette arme, me direz-vous? Il s'agit tout simplement de la fierté d'être gros ("Fat pride" en anglais). Soyez fière de qui vous êtes et de ce que vous êtes car vous prenez ainsi le contrôle de votre existence et vous n'êtes plus une victime des autres car vous n'accordez plus d'importance à leur jugement

6. Entraînez-vous à dire le mot grosse jusqu'à ce que vous le ressentiez de la même façon que si vous disiez petite, grande, mince, jeune ou âgée. Discutez avec votre gras, donnez-lui des petits surnoms affectueux. Griffonnez le mot grosse sur vos calepins pendant les réunions à votre travail ou sur vos cahiers pendant vos cours à l'école: grosse, grosse, grosse, grosse, grosse, grosse... Utilisez ce mot lorsque vous parlez à vos parents ou à votre chéri. Dites-leur: "Et au fait, je suis grosse". Parce que vous n'êtes pas en surpoids, ronde ou potelée... Vous êtes grosse!

Combinez le mot grosse avec d'autres mots dans des contextes nouveaux et inhabituels. Par exemple: grosse sexy, grosse et fabuleuse, fière d'être grosse. Utilisez ce mot dans des phrases telles que "J'ai rencontré un bel homme gros l'autre jour" ou alors "Wow, j'aimerais tellement être grosse et belle comme elle". Utilisez ces formules extrêmes sur les personnes que vous rencontrez et observez leur stupéfaction.

7. Costaude, bien charpentée, en surpoids, potelée, rondelette, voluptueuse, etc... sont des synonymes qui expriment la peur, la peur de ce ce que vous êtes réellement, à savoir GROSSE! Acceptez qui vous êtes vraiment, au lieu de vous cacher derrière ces mots, car tant que vous le ferez, vous serez toujours à la merci des autres et de la société en général.

Le Manifeste des femmes rondes!

8. Faites la liste des cinq personnes que vous admirez le plus. Que révèle cette liste? Combien de ces personnes sont grosses? Plus que ce que vous imaginiez, ou moins? Que signifie réellement votre admiration pour ces personnes?

9. Etre grosse n'est qu'un jeu de nombres, des chiffres qui ne signifient pas grand-chose. Vous vous dites "Je ne pourrais jamais peser plus de 65 kilos (ou 75 kilos ou 90 kilos). Si vous dépassez cette limite, votre corps devient une impossibilité mathématique. Lorsque je pesais environ 72 kilos, je pensais que j'étais trop grosse pour pouvoir décrire mon état avec des mots. Puis, je suis montée à plus de 90 kilos. L'impensable était arrivé. Maintenant que je pèse 122 kilos et que j'ai des amis qui font le double de mon poids, je réalise que ce jeu de nombres n'est pas si différent de l'ancienne théorie de la terre qui est plate (car oui, il y a des centaines d'années, les gens pensaient que la terre était plate et pas ronde). On s'impose des limites, des horizons au niveau de notre poids et au-delà desquels nous pensons que nous allons tomber de la surface de la terre. Mais la terre est ronde, et tous les corps humains sont possibles, réels et surtout, acceptables.

10. La communauté "Fat!So?" appelle toutes les personnes, partout dans le monde, à arrêter de mentir sur leur poids! Cette haine de soi renforce l'oppression à l'encontre des personnes grosses et mine notre fierté. [...] Alors quoi? Les grosses ne peuvent pas avoir de travail, de chéri(e)s, de couverture médicale ou de respect parce que notre société ne parvient pas à envisager des personnes dont le poids est supérieur à des graphiques poids/taille complètement bidons?! Pratiquez l'honnêteté envers vous-même dès maintenant. Ecrivez: "Je m'appelle_______, et je pèse _______ kilos.

Le Manifeste des femmes rondes!

11. Mes amies, il est grand temps de refuser de se faire peser lors de nos rendez-vous chez le médecin. Si un professionnel de santé insiste trop pour que vous montiez sur le pèse-personnes, demandez-lui pour quelle raison médicale il souhaite effectuer cette pesée. Une infirmière m'a dit une fois: "Nous avons besoin d'assurer le suivi régulier de votre poids d'une visite à l'autre car cela nous permet de déceler une maladie s'il y a une variation trop importante". Ouais, c'est ça. Comme si je n'allais pas remarquer par moi-même une perte soudaine de 10 kilos! Non, il faut considérer ce pèse-personnes chez le médecin pour ce que c'est: un outil d'intimidation et d'humiliation, un moyen de justifier les préjugés médicaux à l'encontre des gros mais aussi pour justifier également l'industrie très lucrative des pilules pour les régimes.

12. Voici ce que pensent la majorité des gens de nos jours: les lignes verticales des personnes minces sont acceptables. Alors que les vagues horizontales des personnes grosses sont intolérables. C'est la supériorité de l'axe Y sur l'axe X. Les dichotomies sont dépassées: il faut tout aimer de la même façon! 

Le Manifeste des femmes rondes!

En conclusion, et je ne cite plus le livre: ça vient de moi maintenant, il est grand temps pour nous, qui sommes en surpoids ou même obèses, de nous reconnecter à notre corps. Nous passons beaucoup trop de temps ou d'énergie à le détester et à essayer de le cacher. Tous les jours, nous ne nous attachons qu'à voir ses défauts plutôt que ses qualités. Certaines d'entre nous mettent leur vie sur pause car elles pensent qu'elles ne méritent pas de vivre et d'être heureuses dans ces corps qu'elles ont. Pourquoi?!

Nous nous détruisons jour après jour pour atteindre un type de silhouette qui est difficilement atteignable pour la plupart d'entre nous, et peu réaliste qui plus est.

Pour cela, nous sommes prêtes à avoir faim, nous sommes prêtes pousser notre corps jusqu'à ses limites en faisant du sport à l'extrême, nous passons des heures à nous appliquer des crèmes supposées amincissantes et miraculeuses, nous portons des sous-vêtements qui nous emprisonnent et nous font soi-disant paraître plus minces (vous savez, les fameuses gaines de grand-mères remises au goût du jour grâce à Bridget Jones), on boit du thé à outrance et prenons ces fameuses pilules minceur (souvent bourrées de laxatifs) qui nous promettent le fameux Summer Body que nous serons fières d'exhiber sur la plage cet été. En poussant plus loin, certaines d'entre nous dépensent des sommes folles pour participer à des groupes de perte de poids ou pour commander des repas préparés à la maison. D'autres sont même prêtes à se délester de milliers d'euros pour passer sous le bistouri, pour laisser des docteurs couper leur chair, la soulever, la replier, l'agrapher, la remodeler et la suturer. Et ce ne sont pas des cas isolés, nous faisons toutes ça à un degré plus ou moins élevé. La pression de la perfection ne laisse personne sur le bord de la route, malheureusement!

Et je dis: STOP!!!

Notre corps est un miracle et nous devrions le célébrer plutôt que de le torturer comme ça! Car c'est lui qui nous permet d'apprécier les rayons du soleil sur notre peau en été. C'est lui qui nous a permis de faire cette si jolie balade dans la nature le week-end dernier et d'ainsi pouvoir admirer ces fleurs magnifiques ou ces oiseaux dans les arbres. C'est lui qui se bat lorsque nous sommes malades, pour que nous puissions guérir. C'est lui qui nous permet de nous mouvoir, de marcher, de faire du vélo ou de nager. C'est lui qui nous permet d'apprécier l'explosion de jus dans notre bouche lorsqu'on croque dans une fraise délicieuse, ou de respirer l'air de la mer à pleins poumons lorsqu'on se trouve sur une plage. C'est lui qui nous permet d'exprimer notre affection pour nos proches que nous aimons tant, en leur faisant des câlins ou des embrassades.

Accordons à notre corps tout l'amour, la bienveillance et le respect qu'il mérite et ce, quelle que soit son apparence!

A très bientôt!    

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